Loi mathématique ou conjecture spéculative ?

Un débat des années 1920 sur la méthodologie des projections démographiques
Par Henk A. de Gans
Français

Résumé

L’entre-deux-guerres a vu l’apparition, la diffusion et l’adoption universelle de la méthode dite « des composantes » pour le calcul des projections de population. On a fait jouer l’interaction entre la structure par sexe et âge de la population et les taux par sexe et âge des composantes du mouvement démographique (la mortalité, la fécondité et la migration) pour indiquer l’évolution future la plus vraisemblable des populations nationales. Mais, dès le début, cette approche fondée sur l’analyse démographique a été concurrencée par une résurgence de la théorie selon laquelle l’effectif futur de la population est déterminé par une loi. Cette croyance s’appuyait sur la (re)découverte d’un modèle homéostatique, la « loi logistique » de la croissance démographique. L’approche logistique des projections de population a été développée et préconisée par le généticien américain Raymond Pearl dans les années 1920. Elle a alors supplanté la loi malthusienne de la croissance géométrique, qui avait régné au XIXe siècle. La décennie des années 1920 vit donc s’affronter l’approche « par la loi logistique » et l’approche « par l’analyse démographique ». Cet article présente les antécédents et le contexte de l’affrontement entre les deux méthodes, ses enjeux et l’issue du débat. La discussion sur les méthodes de projection de population opposa tout d’abord la biologie et la démographie. La controverse se développa dans des congrès, des articles et des ouvrages, aux frontières du domaine qui avait vu naître les innovations techniques. La méthode des composantes trouva aisément sa place dans le champ de la planification. Elle permettait une compréhension précise des facteurs qui expliquent la dynamique de la population, et elle fournissait un profil détaillé de la structure par sexe et âge de la population future.

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