Démographie et politique dans les premiers recensements post-soviétiques : méfiance envers l'État, identités en question

Par Dominique Arel
Français

Résumé

Les premiers recensements de l’époque post-soviétique ont engendré de nouveaux défis politiques pour les responsables des recensements de Russie, d’Ukraine, de Biélorussie, du Kazakhstan et des pays baltes. Trois questions étaient au premier plan : la migration, la confidentialité et la nationalité ethnique. L’effectif de la population a officiellement baissé dans tous les pays issus de l’Union soviétique, mais l’incapacité et le manque de volonté de l’État russe d’enregistrer la migration non officielle font que le déclin démographique y est trompeur. Une méfiance générale envers l’État a rendu les individus sceptiques quant aux garanties de confidentialité des données du recensement. Cette méfiance est particulièrement forte en Russie et le recensement a mis en évidence un État post-autoritaire indécis sur la façon d’approcher sa propre population. À la différence des recensements occidentaux, les recensements post-soviétiques ont tous conservé une question sur la nationalité ethnique, car la nationalité légitime leur souveraineté. Le recensement kazakh avait pour but de produire des majorités d’ethnie kazakhe, au niveau national comme dans les provinces redécoupées à cette fin.
La Fédération russe, seule fédération au monde à associer ethnicité et territoire, a dû faire face à une pléthore de revendications pour la reconnaissance de nouvelles nationalités lors du recensement, dont celles des Cosaques. En ce qui concerne la langue, les recensements des pays baltes et de l’Ukraine ont cherché à minimiser le poids du russe, tandis que le recensement biélorusse visait à obtenir une sous-déclaration de la connaissance du biélorusse. Cet article montre que tous ces débats autour des catégories du recensement sont le reflet d’intérêts politiques.

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