Histoire et démographie

I. — Progrès de l'analyse démographique
Par J. Dupaquier
Français

Résumé

Histoire et démographie Jacques Dupâquier En 1963 était fondée à Paris la Société de démographie historique, qui consacrait l'alliance de la démarche historique et de la méthode démographique. Depuis 1958, les études monographiques sur des villages de l'Ancienne France se développaient, en même temps que naissait une entreprise plus vaste de reconstitution de la population de la France depuis Louis XIV, à l'initiative de Louis Henry. Dans les deux cas, L. Henry avait proposé une méthode de dépouillement des registres paroissiaux de l'Ancien Régime, au moyen notamment de "fiches de famille" qui ont été largement utilisées depuis. Malgré les limites évidentes des premiers travaux, l'histoire devenait ainsi, enfin, "sociale", c'est-à-dire celle de tous les Français et non d'une fraction privilégiée d'entre eux. Ce n'est pas seulement le champ de l'histoire qui s'est trouvé d'un seul coup largement étendu. Même l'histoire "traditionnelle", principalement événementielle, s'est trouvée éclairée d'un jour nouveau, sunout pour la période cruciale de la fin de l'Ancien Régime et de la Révolution. En ce qui concerne l'histoire sociale, on commença (à partir de 1950) à connaître le régime démographique des paysans, d'abord, puis des citadins d'autrefois : mariage tardif, naissances illégitimes peu fréquentes, intervalles entre naissances de deux ans ou deux ans et demi, mortalités "de crise", etc. L'existence de larges disparités régionales s'imposait ensuite, bien davantage que celle de disparités sociales (en matière de comportements démographiques du moins). Surtout, la permanence de ces disparités à travers les siècles n'a pas fini d 'in triguer. Les différences de comportement entre les villes et les campagnes permettent de mieux comprendre la nature des échanges entre citadins et campagnards, et leurs effets sur les structures sociales. L'analyse fine de statistiques diverses a aussi contribué à rectifier et relancer l'histoire des mentalités : conceptions prénuptiales, et naissances illégitimes, par exemple, donnent la mesure des relations sexuelles hors-mariage, dans un contexte qui était encore fort peu contracepteur. De même, la fréquence des signatures sur les registres de mariage renseigne sur les progrès de l'alphabétisation au XVIIIe siècle. On en saura encore bien davantage sur les Français de l'Ancien Régime, quand on aura généralisé la méthode des fiches de famille en lui ajoutant toutes sortes de renseignements puisés à d'autres sources économiques, fiscales, judiciaires, politiques. . .

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