Les modèles d'analyse des comportements à risque face à l'infection à VIH : une conception trop étroite de la rationalité

Présentation
Par William Dab, Nathalie Beltzer, Jean-Paul Moatti
Français

Résumé

Moatti (Jean-Paul), Beltzer (Nathalie), Dab (William) - Les modèles d'analyse des comportements à risque face à l'infection à VIH : une conception trop étroite de la rationalité Les recherches en sciences sociales sur la prévention de l'infection à VIH ont établi des liens entre des connaissances et des croyances sur le SIDA d'une part, des attitudes individuelles et collectives face aux personnes infectées et au risque de transmission d'autre part ; mais elles ont également mis en évidence l'ambiguïté de ces relations avec les comportements déclarés. Comme dans de nombreux autres domaines de la prévention sanitaire, les recherches ont confirmé qu'une amélioration du niveau d'information sur le risque n'est clairement pas une condition suffisante pour provoquer des modifications de comportements individuels tendant à diminuer celui-ci. En matière d'analyse des déterminants de l'exposition au risque de transmission sexuelle du VIH, la littérature internationale est demeurée jusqu'à présent dominée par le recours à des modèles psychosociologiques préexistants (Health Belief Model ou « modèles de croyances pour la santé », théorie de l'apprentissage social, etc.), qui ont notamment servi de référence à l'intervention « communautaire » de prévention mise en œuvre avec un certain succès dans la communauté homosexuelle et bisexuelle de San Francisco. L'article développe une critique des limites de ces modèles en termes d'explication et de prédiction des comportements face au risque de transmission du VIH, et s'efforce de démontrer qu'ils reposent implicitement sur une conception réductrice de la rationalité individuelle qui assimile celle-ci à la seule exposition nulle au risque et à la recherche de la sécurité absolue. Une confrontation de ces modèles psychosociologiques avec la théorie de l'utilité espérée, modélisation classique en micro-économie des comportements des agents face au risque et à l'incertitude, ainsi qu'une application empirique de cette théorie aux données de l'enquête ACSF, permet de souligner d'autres logiques sous-jacentes à la persistance d'expositions individuelles au risque de transmission sexuelle du VIH ; et d'illustrer le fait que des stratégies de non changement, ou de changement «intermédiaire», ne donnant aucune garantie réelle de protection face au risque VIH, puissent néanmoins s'avérer comme les plus cohérentes avec les rationalités effectives des individus. En conclusion, l'article suggère quelques pistes pour des analyses moins mécanistes des comportements qui seraient susceptibles de mieux tenir compte du contexte spécifique et de la dynamique temporelle dans laquelle s'inscrivent les expositions au risque d'infection par le VIH ; ces analyses pourraient utilement s'appuyer sur les développements théoriques les plus récents tant de la recherche micro-économique que la recherche psychosociologique.

Voir l'article sur Persée