La mortalité (hors combat) des militaires français à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles

I. — Progrès de l'analyse démographique
Par Jacques Houdaille
Français

Résumé

La mortalité (hors combat) des militaires français à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles. Jacques Ho ud aille Les registres de contrôle de l'armée remontent à 1716, mais leur qualité est très inégale. Pour évaluer la mortalité des militaires français, en dehors des morts violentes au combat, nous avons retenu trois sources particulièrement dignes de foi : les registres du régiment de l'Ile de France, aujourd'hui Ile Maurice (1768 à 1795), de trois régiments provinciaux (1786 à 1792) et d'une série de bataillons de canonniers garde-côtes au début du XIXe siècle. Le tableau 1 donne la répartition des soldats du régiment de l'Ile de France, selon leur destin. Plus d'un quart moururent sous les drapeaux, mais très peu sont morts au combat. En regroupant les morts au combat (ou de blessures) et les exécutions avec les sorties d'observation, on a construit la table de mortalité "naturelle" des soldats de ce régiment (tableau 2), pour la période 1766-1784. Les quotients obtenus sont comparés avec la mortalité masculine observée dans l'ensemble de la France à la même époque : la mortalité (hors combat) des militaires est 3,3 fois plus élevée. Dans la période 1785-1796, la surmortalité est un peu moins forte : 2,6 (tableau 3). Cette surmortalité est donc attribuable aux conditions de vie spécifiques aux soldats, et notamment aux maladies contractées au cours des diverses campagnes ou affectations. Dans le cas des régiments de Bourgogne, d'Enghien et de Barrois (tableau 4), et des Canonniers gardezcôtes (tableau 6), la surmortalité est moins forte : 2,1 fois pour les premiers, et 1,4 fois pour les seconds. Les niveaux varient cependant beaucoup d'un régiment ou d'un port à l'autre (tableaux 5 et 7). Pour l'époque sur laquelle porte cette étude, il semblerait donc que les militaires n'étaient guère sélectionnés à l'entrée dans l'armée, ni fréquemment réformés pour des raisons médicales, contrairement à ce que l'on observe de nos jours (au point que la mortalité des civils puisse dépasser celle des militaires, même quand ceux-ci combattent. . .).

Voir l'article sur Persée