Crulai. Démographie d'une paroisse normande au XVIIe et au XVIII siècles. Présentation d'un cahier de l'I.N.E.D

Enseignement et population
Par Louis Henry, Etienne Gauthier
Français

Résumé

La part d'inconnu est immense dans l'histoire de la population, par manque de statistiques démographiques; celles-ci existent depuis environ deux siècles dans les pays les plus favorisés, Suède et Finlande, depuis cent cinquante ans environ dans quelques autres, dont la France, depuis moins longtemps encore ailleurs; de plus les renseignements disponibles ont été longtemps très sommaires, de sorte que notre connaissance d'un passé relativement récent est elle-même très insuffisante. Ces lacunes sont d'autant plus regrettables qu'elles ont trait à une période où de grandes transformations commencent dans les populations occidentales : baisse de la mortalité et, plus tard, réduction volontaire de la fécondité des mariages. Bien des aspects de cette véritable révolution nous échappent; encore plus grande est notre ignorance de la situation antérieure qui est une donnée fondamentale de l'histoire des hommes, parce quelle a vraisemblablement prévalu, au moins dans certains de ses éléments, pendant des siècles, sinon pendant des millénaires. Notre ignorance n'est pourtant pas définitive; un travail opiniâtre doit faire reculer les lisières de l'inconnu. Du terrain a déjà été gagné : J. Bourgeois-Pichat a reconstitué la répartition par âge de la population française, de cinq en cinq ans, depuis 1776 et calculé la mortalité par âge au cours de la première moitié du XIXe siècle (Évolution de la population française depuis le XVIIIe siècle, Population, 1951 n° 4). De leur côté, J. Henripin et L. Henry ont étudié, à partir de généalogies, de multiples domaines de la démographie des populations anciennes. Le premier a consacré son travail aux Canadiens français (La population canadienne au début du XVIIIe siècle « Travaux et documents » de l'I.N.E.D. Cahier n° 22, 1954); le second à une fraction de l'ancienne classe dirigeante de Genève (Anciennes familles genevoises. Étude démographique : XVIe-XXe siècle, « Travaux et Documents » de l'I.N.E.D., Cahier n° 26, 1956). Les généalogies utilisées doivent beaucoup, sinon tout, aux registres paroissiaux; cette source de documentation, d'une richesse considérable, a été encore peu utilisée. MM. Fleury et L. Henry se sont souciés de son exploitation méthodique et ont rédigé à cet effet un manuel de dépouillement et d'exploitation de l'état civil ancien (Des registres paroissiaux à l'histoire de la population, I.N.E.D. 1956). Il restait à montrer, sur des exemples, quels résultats étaient ainsi obtenus. L'ouvrage en cours de publication de E. Gautier et L. Henry « Crulai. Démographie d'une paroisse normande au XVIIe et au XVIIIe siècle » est le premier. En dehors de l'I.N.E.D., d'assez nombreux dépouillements de registres paroissiaux ont été réalisés récemment dans des conditions diverses : thèses de doctorat, diplômes d'études supérieures, mémoires de stage ? élèves-maîtres, travaux de chercheurs isolés. Ils ont été, dans l'ensemble, l'occasion d'une fructueuse collaboration entre les auteurs des dépouillements, les archivistes, les démographes et les historiens. Il est à souhaiter qu'elle se développe encore; elle est la condition d'une victoire totale, celle qui conduira à connaître la démographie de la France depuis, au moins, la fin du XVIIe siècle.

Voir l'article sur Persée