L'analyse par cohortes de l'immigration définitive Yves Peron Les statistiques habituelles des flux d'immigration sont un indicateur médiocre de l'installation d'étrangers dans un pays, puisqu'une partie - variable - de ces immigrants quitteront ce pays, pour retourner dans leur pays d'origine ou aller s'installer ailleurs. Or, on ne dispose pas en général de statistiques sur ces départs. En revanche, les recensements nationaux donnent des informations sur les immigrants présents dans le pays, classés selon l'âge et la date de leur arrivée. Les immigrants arrivés à la même époque forment une population plus homogène que les immigrants de même âge, comme le montre l'observation de la fréquence des départs entre 1951 et 1961 de quelques cohortes définies par leur époque d'arrivée (graphique 1). La cohorte d'immigrants ainsi définie est donc l'unité démographique adaptée à l'analyse proposée. Il s'agirait dans l'idéal de dresser une table des départs définitifs, événements non renouvelables, sur le modèle d'une table de nuptialité, dans laquelle serait éliminé l'effet parasite de la mortalité, phénomène perturbateur, et qui permettrait de calculer des proportions d'immigrants présents au bout de n années de présence —tendant vers un taux d'installation définitive —, des quotients annuels de départs et un calendrier cumulé des départs. Les éléments nécessaires à la construction de cette table font défaut. Les recensements décennaux canadiens fournissent depuis 1931 la répartition par sexe et âge de la population immigrée selon la période d'arrivée. On peut donc, en négligeant dans un premier temps l'existence d'immigrés temporairement absents au moment du recensement, estimer la proportion d'immigrants n'ayant pas quitté le Canada au cours des périodes intercensitaires suivant leur arrivée. Les graphiques 2 et 3 montrent la proportion complémentaire, fréquence des départs définitifs, pour les cohortes arrivées en 1921-1930 d'une part, 1931-1940 d'autre part, classées selon l'âge à l'entrée au Canada. Ces résultats conduisent à avancer deux conclusions provisoires méritant vérification : - la grande fréquence des départs définitifs ; - le faible rôle de l'âge à l'entrée dans la détermination du comportement final de l'immigrant. Ces calculs sont cependant affectés de deux façons : au moment de chaque recensement, une certaine proportion des immigrés est temporairement absente, et surtout cette proportion varie dans le temps ; de plus, diverses imprécisions et omissions, variables également, troublent chaque recensement. Ceci gêne l'évaluation du calendrier des départs définitifs, mais moins celle de la fréquence finale de ces départs.